L’Abbaye de la Sauve-Majeure – Visite guidée
L’église, orientée, est édifiée en forme de croix latine et composée d’une grande nef de cinq travées, flanquée de bas-côtés et d’un transept qui s’ouvrent sur le chœur et les chapelles latérales décroissantes.
Les vestiges existants datent des XIIe et XIIIe siècle, cela signifie qu’il ne reste rien de l’église d’origine construite à l’époque même du fondateur, Gérard de Corbie. Au début du XIIe siècle, on entreprit la construction de l’enveloppe de la nef et du bras nord du transept, puis ce fut la chapelle sud du chevet qui fut débutée. Le chevet lui-même avec ses voûtes, le bras sud et la croisée du transept. On réaménagea dans tout l’édifice les bâtiments déjà construits à l’origine. Les piliers de la nef furent implantés et les collatéraux voûtés. Les voûtes de la croisée du transept et la nef furent construits fin XII et début XIIIe siècle. Le bas-côté sud fut repris et complété d’un clocher octogonal. La fin du Moyen Age vit l’ajout de contreforts pour consolider l’ensemble.
Aujourd’hui, nous entrons dans l’église par la façade occidentale.
Le portail s’ouvrait dans un avant corps aujourd’hui disparu. C’était une majestueuse entrée surmontée d’un pignon triangulaire. Deux tours étaient appuyées sur la première travée des collatéraux. Peu d’éléments subsistent. Toutefois, c’est une gravure du Monasticon Gallicanum, recueil de l’ordre de Saint-Maur qui nous donne une idée partielle de ce qu’était le portail et l’entée de l’église de l’abbaye.
LA NEF
La déclinaison naturelle du terrain impliqua la création de marches par paliers pour accéder à la nef. Passé le seuil, la première travée est une sorte de narthex en léger contrebas avec le reste de la nef. En entrant sur la droite et à l’extrémité sud, se trouvent les vestiges d’un ancien puits et d’une niche. Une grande arcade ouvre sur la nef de trois vaisseaux et cinq travées (six étaient certainement prévues à l’origine au vu des vestiges de pilastres). La nef centrale, dessinée mi XIIe siècle a été modifiée au XIIIe par la construction du clocher octogonal de trois étages qui comportait une flèche de pierre que l’on peut encore voir sur des gravures du XIXe siècle. Le bâtir à la croisée du transept aurait demandé trop de travaux, cela aurait été trop coûteux. La façade aurait été dissymétrique et le côté nord, déjà édifié sur un terrain en pente et peu stable en aurait été déstabilisé.
DISQUES DE CONSECRATION
L’église a été consacrée en 1231, par l’abbé Grimoard de La Faye, après une grande campagne de travaux de restauration et construction. A cette occasion, douze disques de consécration représentant les douze apôtres avaient été enchâssés dans les murs et dans les piliers de l’église. Aujourd’hui six sont encore conservés. Saint Matthieu, Saint Jude, Saint Jacques, Saint Pierre, Saint Barthélémy et Saint André. Chaque Saint porte l’instrument de son martyr dans sa main droite et dans la main gauche, une maquette d’église. Ils foulent aux pieds une image du dragon incarné pour chacun d’eux par leur persécuteur ou par une figure démoniaque.
LE CHEVET
C’est un chevet à cinq chapelles échelonnées. Les quatre chapelles latérales sont encore voûtées, les hémicycles couverts en cul de four. De l’intérieur, l’état de ruine du chevet exalte sa grandeur. La grandeur des baies assurait de la luminosité contrairement à la nef et au transept qui devaient être extrêmement sombres avec des bas-côtés peu ouverts et peu éclairés. Cet espace était le chœur liturgique de l’abbé où se retrouvaient les moines pour prier, mais c’était également le lieu où était conservées les reliques de Saint Gérard de Corbie, derrière le maître-autel, dans une chasse de cuivre dorée, au milieu de l’hémicycle. Les armoires eucharistiques et les niches-crédences percées dans les murs de l’abside datent de la fin du Moyen Age.
LES CHAPITEAUX DU CHŒUR- ABSIDES ET TRANSEPT
1 – Chapiteau à feuille. 2 – Dragons entrelacés. 3 – Le péché Originel. 4 – personnage dévoré par les lions. 5 – Sirènes. 6 – Les Ulysses.
7 – Lions bicorporés (une tête deux corps). 8 – Homme combattant un lion, lutte de deux centaures et animaux fantastiques. 9 – Chapiteau à feuille.
10 – Ange (St Michel) combattant des dragons serpents. 11 – Daniel empoisonne le grand serpent des Babyloniens. 12 – Les tentations du Christ.
13 – 14 – 15 – 16 : Chapiteaux de feuillages, pommes de pins ou grappes.
17 – Daniel dans la fosse aux lions. 18 – Histoire de Samson. 19 et 20 – Chapiteaux à feuilles et pommes de pins.
21 – Saint Jean Baptiste. 22 – Chapiteau à feuille. 23 – Dragons entrelacés. 24 – Annonce à Sara et Sacrifice d’Abraham.
L’ACCÈS AU CLOCHER
Bas-côté Sud
L’accès au clocher se fait par le bas-côté sud. 157 marches sont à gravir pour accéder au troisième étage. L’ascension demande un effort physique parfois important. Mais quel bonheur d’arriver en haut ! La vue y est superbe et l’horizon s’offre à nous.
LE RÉFECTOIRE – CLOÎTRE ET SALLE CAPITULAIRE
Les vestiges du grand cloître sont minces, il faut de l’imagination pour bien le situer. Il était attenant à la salle capitulaire, ou salle du chapitre, au transept sud de l’église et accolé au réfectoire dont il ne reste plus que des vestiges de fenêtres hautes. La construction datait du début du XIIIe siècle. Entre l’entrée du transept et de la salle capitulaire se trouvait l’armarium où étaient conservés des livres de méditation et de prières. C’est dans la salle capitulaire que l’abbé, chaque matin, lisait un chapitre de la règle de Saint-Benoit et donnait ses instructions, les moines y avouant leurs fautes. Elle était accolée à la sacristie, au scriptorium (réservé aux moines copistes et enlumineurs), à la salle des archives et au cellier. Le dortoir des moines se situait au dessus. Le réfectoire était très grand, comprenant deux nefs de six travées. La gravure du XVIIe laisse à penser qu’il avait été fortement remanié à la fin du Moyen Age. Les cuisines se situaient à proximité, ainsi que les jardins, vignes et vergers.
L’extérieur du chevet nous ramène doucement vers la salle du musée lapidaire de l’abbaye où des trésors de sculptures nous attendent.
Le Musée Lapidaire
Cette salle présente des sculptures en pierre, statues, clés de voûtes, ancien carrelage de sol, chapiteaux, culots, modillons, tous issus de l’abbaye. Ces pièces historiques, architecturales et archéologiques complètent parfaitement la visite et nous révèlent un peu plus ce qui fut la richesse patrimoniale de l’abbaye.
LES CLÉS DE VOÛTES
CULOTS, MODILLONS, SUPPORTS, MURS PEINTS
SOLS, PAVEMENTS VERNISSES
LA BIBLE DE LA SAUVE-MAJEURE
« C’est un incroyable manuscrit conservé à la Bibliothèque municipale de Bordeaux, mais qui n’a pas été réalisé à la Sauve-Majeure. Cette Bible est appelée Bible de la Sauve-Majeure parce qu’elle a été retrouvée dans les collections de l’abbaye au moment de la Révolution française. Elle a été réalisée au Mont Saint Michel, à la fin du XIe siècle. Elle est reliée en deux volumes de 53×36 cm, chacun formés de 404 feuillets de parchemin, soit 808 pages. Pour un tel travail, il a fallu plusieurs copistes qui ont ensuite assemblé leurs productions. Le texte est en latin, présenté sur deux colonnes. L’écriture se rapproche de la caroline, avec quelques onciales. Cette grande dimension indique qu’elle était destinée à être déposée sur un lutrin pour une lecture à haute voix dans l’abbaye.
Les paléographes (spécialistes de l’écriture et de l’enluminure) ont montré que la bible avait été copiée entièrement au Mont-Saint-Michel entre 1070 et 1090 mais décorée en partie à l’abbaye de la Sauve-Majeure. Les couleurs de certaines initiales sont plus vives que des manuscrits réalisés dans le Nord de la France et sont caractéristiques du Sud du Pays.
Certaines initiales ne sont pas caractéristiques du Mont-Saint-Michel. La forme de certaines lettrines représentées par les personnages est parfois différente des autres. On reconnait alors l’influence poitevine des enlumineurs. L’artiste qui les a réalisées avait peut-être été formé près de Poitiers avant de se rendre au Mont-Saint-Michel. Certaines initiales sont aussi inachevées, ce qui montre que la décoration du manuscrit a été arrêtée à un moment donné. Toutes ces initiales marquent le début des parties du texte de la Bible et permettent de se repérer dans l’ouvrage. L’utilisation d’initiales pour découper le texte et leur décoration se développent au XIe siècle, à l’époque romane.
Avant de se trouver en Gironde, on retrouve sa trace à la fin du XIe siècle à l’abbaye Saint-Sauveur de Redon en Ile-et-Vilaine. Elle est parfois nommée « Bible de Redon ». Comment le sait-on ? Ce sont les inventaires des abbayes qui permettent aux spécialistes d’en savoir plus, mais aussi les ajouts dans le manuscrit : au folio 259 v, un texte présente une bulle (acte juridique) du pape Grégoire VII en faveur d’Almodus, abbé de Redon ainsi qu’un extrait d’un ancien cartulaire de Redon. Ensuite, elle passe à une autre abbaye de l’ouest de la France entre 1090 et 1100. Puis, elle arrive à l’abbaye de La Sauve-Majeure, en Gironde. Pourquoi ? Comment ? Où a-t-elle été continuée ? Son histoire est floue. Il semblerait que l’artiste qui ait continué les initiales soit celui qui l’a emmenée à La Sauve. Les manuscrits pouvaient circuler comme modèles, travaux à terminer, cadeaux entre abbayes ou comme objets appartenant à des moines ou abbés voyageant.
La Bible se trouvait dans les collections de l’abbaye de La Sauve-Majeure au moment de la Révolution où elle est déposée au château de Cadillac avec d’autres ouvrages provenant de l’abbaye et d’autres établissement religieux. La reliure actuelle date des années 50. Le manuscrit est incomplet, il manque plusieurs parties du texte biblique. Son histoire a été mouvementée !
La bibliothèque de Bordeaux conserve un autre ouvrage, cette fois-ci copié à l’abbaye de La Sauve-Majeure : il s’agit du cartulaire texte recensant les possessions de l’abbaye de 1079 à 1356. L’ouvrage permet de suivre le développement de l’abbaye ».
Bibliographie sur la Bible de la Sauve-Majeure : Hélène de Bellaigue, « Bible de La Sauve-Majeure, Bible de Redon », dans Les entretiens de La Sauve-Majeure, Acte du colloque organisé par l’association Les Grandes heures de l’abbaye de la Sauve-Majeure, juillet 1997 et 1999, Editions de l’Entre-deux-Mers, 2000, p. 19-22.
C’est ainsi que cette petite visite-découverte se termine, j’espère qu’elle vous aura plu et qu’elle vous aura donné envie de découvrir ce lieu si majestueux et si fort en énergie. Doucement, nous quittons le pavé de l’abbaye, nous retournant une dernière fois, le sourire au lèvres, sûrs que nous y reviendrons bientôt.
Merci de votre lecture 🙂