Moyen Âge et Château Fort : Le château de Beynac en Périgord
Le château est sans aucun doute la première image qui se forge dans notre imaginaire du Moyen Âge, celle des contes de fées et des livres d’enfance : le château des seigneurs qui domine encore de sa fière silhouette les villages d’une grande partie de la France. Le donjon ou l’enceinte dotée de tours plus ou moins ruinées évoquent un passé médiéval fait de fastes et de terreurs.
Ces ruines ont enchanté les auteurs et les dessinateurs romantiques du XIXe siècle comme Victor Hugo qui n’ont cessé de les célébrer et ont bâti autour d’elles une légende aussi noire que dorée. La France compte aujourd’hui environ 30 000 châteaux classés Monuments Historiques. Tous ne datent pas du Moyen Âge, bien entendu, mais plus d’un tiers le sont. C’est donc à juste titre que le château fort s’est imposé comme la première image médiévale dans les esprits. « A tout seigneur, tout honneur ! » Le château est indissolublement lié à l’apparition d’un nouveau modèle de société, celui de la seigneurie et de la féodalité. Autour de l’an mil, la France se couvre de châteaux. L’effondrement de l’empire carolingien, l’insécurité chronique entretenue par les raids des Vikings dans le Nord, des Sarrazins dans le Sud, engendrent la remise en fonction de très anciennes forteresses, mais aussi la construction de nouvelles formes de défense. Le mot château vient du latin Castrum, qui évoque un lieu séparé, retranché, protégé. – Source : La France au Moyen Age. Ouest France.
Le château de Beynac en Périgord
Le château de Beynac est situé sur la commune de Beynac-et-Cazenac, dans le département de la Dordogne et plus précisément dans le Périgord noir. Ce château est l’un des mieux conservés et l’un des plus réputés de la région. Il a été classé « Monument historique » le 11 février 1944.
Le château fort est bâti dès le XIIe siècle par les barons de Beynac pour verrouiller la vallée. À la mort d’Adhémar de Beynac (1147-1189), Richard Cœur de Lion, roi d’Angleterre offre Beynac à Mercadier, son fidèle routier. Celui-ci est assassiné à Bordeaux en 1200 et la baronnie revient dans la famille d’origine. À partir de 1241, la châtellenie, dont fait partie le château de Commarque, est divisée entre deux frères, Gaillard et Mainard de Beynac. Les deux branches ne seront à nouveau unies qu’en 1379.
À l’époque de la guerre de Cent Ans, la forteresse de Beynac est l’une des places fortes françaises. La Dordogne sert alors de frontière entre France et Angleterre ; non loin de là, de l’autre côté de la Dordogne, le château de Castelnaud, rival de Beynac, était aux mains des Anglais.
Le donjon : la plus ancienne partie du château
Il est la tour la plus haute d’un château fort au Moyen Age. Bâti au XIIe siècle, le donjon permet de surveiller les terres et la vallée qui l’entourent. Il s’agit d’un ouvrage militaire et défensif, aux murs épais, et aux ouvertures étroites. Lieu de repli en cas de conflit, il ne présentait pas d’entrée à sa base. On y accédait par le premier étage grâce à une échelle escamotable. En temps de paix, on vivait dans un domicilium en bois, remplacé à la fin du XIIe siècle par un bâti de pierre qui abrite, encore aujourd’hui, la Salle des Gardes et la Salle des Etats du Périgord.
La salle des gardes : salle basse du logis seigneurial.
Celle-ci fut accolée au Donjon à la fin du XIIème siècle. Le Seigneur, ses hommes d’armes et leurs montures y pénétraient par la porte en tiers-point qui se trouve en face de vous. A l’origine, cette porte bénéficiait très probablement d’une fortification avancée permettant sa protection. Le Seigneur seul pénétrait dans le logis sans mettre pied à terre.
Les cuisines
Elle furent ajoutées lors de la campagne de construction du XIIIème siècle, leur édification change profondément l’apparence du château. En se dotant d’une telle cuisine, les Seigneurs de Beynac font une fois encore acte de puissance et preuve de richesse. Les crochets fixés au plafond permettent de placer les vivres hors de portée des rats. Le sol en pisé se fraie un chemin dans le roc à même lequel sont bâties ces cuisines. L’imposante cheminée bien que remaniée laisse entrevoir son arc d’origine. Réservée au château et grandes abbayes, la cuisine pouvait faire rôtir ses viandes, on y disposait également d’un four à pain, ce dernier aliment étant à la base de tous les repas.
LE CHÂTEAU DE RICHARD COEUR DE LION
Adémar de Beynac s’éteint sans héritier direct en 1194.
A cette époque, Richard Cœur de Lion est Roi d’Angleterre, Duc de Normandie et Duc d’Aquitaine par sa mère, Aliénor. La Baronnie des Beynac étant rattaché au Duché d’Aquitaine et Adémar de Beynac ne laissant aucun héritier direct, c’est donc légitimement que Richard Cœur de Lion offre la Châtellenie de Beynac à l’un de ses plus fidèles compagnons auquel il avait confié la garde de ses Châteaux d’Aquitaine durant la croisade : le routier Mercadier.
La Salle des Etats du Périgord tient son nom des réunions qu’y tenaient très probablement les quatre Barons du Périgord au XVème siècle. Le Comté du Périgord est historiquement rattaché au Duché d’Aquitaine. Au sortir de la Guerre de Cent-ans, quatre Baronnies pèsent sur le destin du Comté.
Les quatre plus importants Barons du Périgord sont ceux de Bourdeilles, Biron, Beynac et Mareuil. Chacun prétend naturellement au titre de premier Baron du Périgord.
L’oratoire, ouvert sur la Salle des Etats, est entièrement décoré au XVème siècle de fresques parmi lesquelles une Pieta et une Cène sont représentées.
Le blason des Beynac y apparait. On raconte que les cinq traces rouges, sur le fond or, correspondent aux cinq doigts du Seigneur de Beynac qui, blessé après un combat, posa sa main sur un bouclier d’or.
L’escalier date du XVIIe siècle. Il a été conçu pour desservir les appartements méridionaux, décorés à cette même époque.
Pendant la période de la Renaissance, confort et apparat se développent. Les escaliers à vis laissent la place aux escaliers droits. Paliers de repos, rampes avec balustres ouvragées, mains courantes continues laissent transparaitre l’influence italienne.
Qu’est ce qu’une Barbacane au Moyen Âge ?
La barbacane est une fortification avancée destinée à protéger l’entrée principale de la forteresse et ralentir la progression d’ennemis qui seraient parvenus jusqu’aux portes du château.
Elle constitue un sas entre l’extérieur et le château, ainsi qu’un bouclier pour ce dernier.
Sous ses airs rustiques, cet espace est un concentré de génie militaire, une véritable machine à tuer.
Parmi les barbacanes temporaires, une des plus célèbres est celle que le roi saint Louis fit faire pour protéger la retraite de son corps d’armée et passer un bras du Nil, après la bataille de Mansourah. Le sire de Joinville parle de cet ouvrage en ces termes :
« Quand le roy et ses barons virent celle chouse, et que nul autre remède n’y avoit (le camp était en proie à la peste et à la famine), tous s’accordèrent, que le roy fist passer son ost2 devers la terre de Babilonne, en l’ost du duc de Bourgoigne, qui estoit de l’autre part du fleuve, qui alloit à Damiette. Et pour retraire ses gens aisément, le roy fist faire une barbacane devant le poncel, dont je vous ai devant parlé. Et estoit faite en manière, que on pouvoit assez entrer dedans par deux coustez tout à cheval. Quand celle barbacane fut faite et apprestée, tous les gens de l’ost se armèrent ; et là y eut ung grand assaut des Turcs, qui virent bien que nous en allions oultre en l’ost du duc de Bourgoigne, qui estoit de l’autre part. Et comme on entroit en icelle barbacane, les Turcs frappèrent sur la queüe de nostre ost : et tant firent, qu’ils prindrent messire Errart de Vallery. Mais tantoust fut rescoux par messire Jehan son frère. Toutesfoiz le roy ne se meut, ne toute sa gent, jusques à ce que toute le harnois et armeures fussent portez oultre. Et alors passâmes tous après le roy, fors que messire Gaultier de Chastillon, qui faisoit l’arrière garde en la barbacane. Quand tout l’ost fut passé oultre, ceulx qui demourerent en la barbacanne, qui estoit l’arrière garde, furent à grant malaise des Turcs, qui estoient à cheval. Car ilz leur tiroient de visée force de trect, pour ce que la barbacanne n’estoit pas haulte. Et les Turcs à pié leur gecttoient grosses pierres et motes dures contre les faces, et ne se povoient deffendre ceulx de l’arrière garde. Et eussent été tous perduz et destruitz, si n’eust esté le conte d’Anjou, frère du roy, qui depuis fut roy de Sicille, qui les alla rescourre asprement, et les amena à sauveté. »
— Jean de Joinville
Cette barbacane n’était évidemment qu’un ouvrage en palissades, puisque les hommes à cheval pouvaient voir par-dessus. Dans la situation où se trouvait l’armée de saint Louis à ce moment, ayant perdu une grande partie de ses approvisionnements de bois, campée sur un terrain dans lequel des terrassements de quelque importance ne pouvaient être entrepris, c’était tout ce qu’on avait pu faire que d’élever une palissade servant de tête de pont, pouvant arrêter l’armée ennemie et permettre au corps d’armée en retraite de filer en ordre avec son matériel.
Du sens d’« ouvrage extérieur de fortification en maçonnerie ou en bois, percé de meurtrières », on en est venu métonymiquement (la partie pour le tout) à la meurtrière elle-même. Ainsi, au Moyen Âge, la barbacane désignait une sorte de fenêtre, presque toujours ébrasée à l’intérieur qui, pratiquée verticalement dans un mur, facilitait le tir sur l’ennemi.
« Il faut que les Pisans, dans un délai fort court, Soient libres dans leurs murs, l’œil à la “barbacane”, Pour aider les Français descendus en Toscane. »
Sources : Ecrits de Jean de Joinville – Le château Fort de Philippe Durand – et BNF.
Cette Chronique fait référence à mes publications FB de la semaine du 06 au 10 juin 2022.
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