Le Noël du Ventre de Paris – 1873 – Emile Zola

Le Noël du Ventre de Paris – 1873 – Emile Zola

Zola décrit dans son ouvrage tout le monde des halles de Paris avec leurs odeurs, leurs couleurs, leur agitation permanente et l’abondance de nourriture qui y règne. C’est la caverne d’Ali Baba de la bonne chère. Ses descriptions sont si précises que le lecteur voit tout un monde se dessiner sous ses yeux. Zola met en avant la gloutonnerie et les achats démesurés des bourgeois, alors qu’à côté d’eux, Paris vit dans la misère et le peuple meurt de faim…

Les Halles par Léon Lhermitte – 1895

Le texte met en scène un peintre, Claude Lantier, que l’on retrouvera plus tard dans l’Œuvre, et qui dans le Ventre de Paris évoque l’une ses œuvres artistiques où il avait peint l’étalage d’une boucherie à l’occasion des fêtes des Noël. Il appuie sur le fait que pour les classes sociales aisées, la bourgeoisie notamment, c’est là une débauche de nourriture.

« Voulez-vous que je vous dise quelle a été ma plus belle œuvre, depuis que je travaille, celle dont le souvenir me satisfait le plus ? C’est toute une histoire… L’année dernière, la veille de la Noël, comme je me trouvais chez ma tante Lisa, le garçon de la charcuterie, Auguste, cet idiot, vous savez, était en train de faire l’étalage. Ah ! le misérable ! Il me poussa à bout par la façon molle dont il composait son ensemble. Je le priai de s’ôter de là, en lui disant que j’allais lui peindre ça, un peu proprement.

Vous comprenez, j’avais tous les tons vigoureux, le rouge des langues fourrées, le jaune des jambonneaux, le bleu des rognures de papier, le rose des pièces entamées, le vert des feuilles de bruyère, surtout le noir des boudins, un noir superbe que je n’ai jamais pu retrouver sur ma palette. Naturellement, la crépine, les saucisses, les andouilles, les pieds de cochon panés, me donnaient des gris d’une grande finesse.

Alors je fis une véritable œuvre d’art.

Je pris les plats, les assiettes, les terrines, les bocaux ; je posai les tons, je dressai une nature morte étonnante, où éclataient des pétards de couleur, soutenus par des gammes savantes. Les langues rouges s’allongeaient avec des gourmandises de flamme, et les boudins noirs, dans le chant clair des saucisses, mettaient les ténèbres d’une indigestion formidable.

J’avais peint, n’est-ce pas, la gloutonnerie du réveillon, l’heure de minuit donnée à la mangeaille, la goinfrerie des estomacs vidés par les cantiques. En haut, une grande dinde montrait sa poitrine blanche, marbrée, sous la peau, des taches noires des truffes.

C’était barbare et superbe, quelque chose comme un ventre aperçu dans une gloire, mais avec une cruauté de touche, un emportement de raillerie tels que la foule s’attroupa devant la vitrine, inquiétée par cet étalage qui flambait si rudement.

Quand ma tante Lisa revint de la cuisine, elle eut peur, s’imaginant que j’avais mis le feu aux graisses de la boutique. La dinde, surtout, lui parut si indécente qu’elle me flanqua à la porte, pendant qu’Auguste rétablissait les choses, étalant sa bêtise.

Jamais ces brutes ne comprendront le langage d’une tache rouge mise à côté d’une tache grise… N’importe, c’est mon chef-d’œuvre. Je n’ai jamais rien fait de mieux. »

Une boutique de charcuteries – Edouard Jean Dambourgez – 1873

Cette Chronique fait référence à mes publications FB du 23 décembre 2022. 

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