6 mai 1536 – Anne Boleyn écrit à Henri VIII depuis la Tour

6 mai 1536 – Anne Boleyn écrit à Henri VIII depuis la Tour

Quatre jours après avoir été emprisonnée dans la Tour de Londres, Anne Boleyn écrivit à son époux le roi, Henri VIII.

Cette lettre aurait été trouvée dans les papiers de Thomas Cromwell qui avait rajouté une annotation : « Pour le Roi, de la part de la Dame de la Tour ». Voici une traduction de cette lettre que l’on trouve dans l’ouvrage de Jean-Marie Vincent Audin, « Histoire de Henri VIII et du Schisme d’Angleterre », Paris, 1847, Traduction elle-même tirée de l’édition française de l’Histoire d’Angleterre de David Hume, Paris, 1819.

Voici ce texte inédit :

« Sire, la colère de votre Majesté et mon emprisonnement sont des choses si étranges pour moi, que j’ignore comment je dois vous écrire, et de quoi il faut que je me justifie. J’en suis d’autant plus embarrassée, que vous m’envoyer dire d’avouer la vérité, pour obtenir ma grâce à ce prix, par une personne que vous savez être mon ancienne ennemie déclarée. En la voyant chargée de ce message, je n’ai que trop bien pressenti vos dispositions à mon égard.

S’il est vrai, comme vous le dites, que des aveux sincères puissent me sauver, j’obéirai à vos ordres avec joie et avec soumission. Mais que votre Majesté n’imagine pas que sa malheureuse épouse se laissera persuader de confesser une faute dont elle n’eut de ses jours seulement la pensée.

J’atteste cette même vérité qu’on interpelle, que jamais prince n’eut une femme plus attachée à ses devoirs, ni plus tendre, que le fut toujours pour vous Anne Boleyn. Je me serais bornée volontiers à ce nom, je me serais tenue sans regret à ma place, si Dieu et Votre Majesté n’en avait décidé autrement. Je ne me suis jamais tant oubliée sur le trône où vous m’avez fait monter, que je ne me sois toujours attendue à la disgrâce que j’éprouve. Je me suis rendue assez de justice pour me dire que, mon élévation n’étant fondée que sur un caprice de l’amour, un autre objet pouvait à son tour séduire votre imagination, et séduire votre cœur.

Vous m’avez tirée d’un rang obscur pour me décorer du titre de reine, et du titre plus précieux encore de votre compagne ; l’un et l’autre sans doute étaient fort au-dessus de mon mérite et de mes vœux, mais puisque vous m’avez trouvée digne de cet honneur, qu’une légère fantaisie ou les mauvais conseils de vos ennemis ne me privent pas de vos bontés ; que la tâche, l’odieuse tâche qui me resterait d’être soupçonnée d’avoir un cœur perfide pour Votre Majesté, ne souille jamais la gloire de votre fidèle épouse et de la jeune princesse votre fille (Elizabeth).

Que l’on me juge, sire, j’y consens ; mais que ce soit à un tribunal légitime, et que mes ennemis jurés ne soient pas mes accusateurs et mes juges. Oui, sire, que l’on m’interroge ouvertement, juridiquement, car je n’ai nulle honte à craindre de la vérité de mes réponses. Vous verrez alors mon innocence éclaircie, vos inquiétudes et votre conscience satisfaites, la calomnie et la méchanceté forcées au silence, ou mon crime entièrement à découvert. De quelque façon alors que Dieu ou vous, puissiez décider de mon sort, Votre Majesté, ne sera du moins exposée à aucun reproche ; quand ma faute aura été ainsi juridiquement prouvée, vous aurez droit devant Dieu et devant les hommes, non seulement de punir à la rigueur une femme parjure, mais encore de suivre votre nouvelle affection déjà fixée sur la personne (Jane Seymour) qui est devenue la cause de l’état où je suis.

Je connais depuis longtemps votre penchant pour elle, et Votre Majesté n’ignore pas quelles étaient mes inquiétudes à ce sujet. Si vous avez déjà pris un parti à mon égard, s’il faut non-seulement que ma mort, mais une infâme calomnie vous assure la possession de l’objet auquel vous attachez votre bonheur, je souhaite que Dieu vous pardonne un si grand péché, ainsi qu’à mes ennemis qui en auront été les instruments.

Puisse-t-il ne jamais vous demander, au jour du jugement universel, un compte rigoureux de votre cruauté envers moi ! Nous paraîtrons bientôt l’un et l’autre à son tribunal, où, quelque chose que le monde puisse penser de ma conduite, mon innocence sera pleinement démontrée. Puissé-je porter seule ici-bas le poids de votre colère. Puisse-t-elle ne pas s’étendre sur les innocents et malheureux serviteurs que l’on m’a dit être en prison, comme mes complices !

C’est l’unique et la dernière prière que j’ose vous adresser. Si jamais je trouvais grâce devant vos yeux, si jamais le nom d’Anne Boleyn fut agréable à vos oreilles, accordez-moi la faveur que je vous demande, et que je ne vous importunerai plus de gémissements et des vœux que j’élève au ciel pour qu’il vous prenne sous sa garde et qu’il dirige toutes vos actions.

Votre loyale et toujours fidèle épouse, Anne Boleyn.

De ma triste prison de la Tour, ce 6 mai 1536.

Si vous souhaitez écouter plutôt que lire, voici une courte vidéo sur le sujet :

Merci de votre lecture et écoute.

2 réflexions sur « 6 mai 1536 – Anne Boleyn écrit à Henri VIII depuis la Tour »

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    parce que sur son site ça ne fonctionne pas.

    Je viens de découvrir votre site et je suis absolument enthousiasmée. BRAVO et au plaisir de vous suivre dans vos recherches historiques passionnantes !

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