Henri VIII – Formation de jeunesse et apprentissage intellectuel – Skelton et Erasme

Henri VIII – Formation de jeunesse et apprentissage intellectuel – Skelton et Erasme

Nous avons longuement parlé de l’enfance du jeune Henri et pourtant, il reste tant à dire. Henri VII, nous l’avons également précisé, fut confronté à des jeunes garçons prétendant être l’un des princes d’York disparus dans la Tour de Londres en 1483, les fils du roi Edouard IV ; le jeune Edouard V et son frère Richard d’York. Il y eut d’abord Lambert Simnel, un jeune garçon de dix ans que l’on fit passer pour Richard d’York, puis plus tard, Perkin Warbeck. Henri VII épargna Lambert Simnel comprenant bien que ce jeune garçon avait été l’objet de factions rivales. Il l’employa dans les cuisines du château. Perkin Warbeck, lui, eut moins de chance. Il fut exécuté à Tyburn dans la banlieue de Londres.

Henri, duc d’York

Pour contrer ces oppositions, Henri VII décida de faire de son jeune fils Henri, alors âgé de trois ans, le nouveau duc d’York, en novembre 1494 et Chevalier de l’ordre du Bain. Ainsi, plus personne ne pouvait se prétendre duc d’York et réclamer le trône.

National Archives

Ce fut le premier évènement de la vie d’Henri où il fut présenté en public et où il était l’attention de tous les regards, y compris celui de son père qu’il connaissait si peu. Dans cet ordre rédigé à Woodstock près d’Oxford et présenté en photo, Henri VII s’assura auprès de son gouvernement qu’un certain nombre de gentilshommes soient nommés Chevaliers de l’ordre du bain avec Henri, légitimant encore plus sa nomination.

Quel est cet ordre du Bain ?

C’est le troisième ordre de chevalerie britannique dans l’ordre de préséance, généralement décerné aux guerriers et combattants de familles éminentes. Son nom provient de la cérémonie médiévale d’adoubement qui comportait un bain, symbolisant la purification, après lequel il devenait « chevalier du Bain ».

Writhe’s Garter Book, the Ceremony of the Bath – Collection privée du duc de Buccleuch.

Depuis le couronnement d’Henri IV, en 1399, les cérémonies complètes étaient réservées pour les grandes occasions, telles que les couronnements, l’investiture du prince de Galles ou des ducs et les mariages royaux. Selon les rites médiévaux, après une nuit en prière, les futur chevaliers étaient dévêtus et plongés dans un bain avec une simple chemise. Le Roi adoubait les nouveaux chevaliers.

Il existe encore à la British Library de Londres un document rare et précieux du moment où le jeune Henri est devenu chevalier de l’ordre du Bain et duc d’York.

British Library Londres

Contrairement à la naissance d’Henri et à son baptême qui ne furent pas consignés officiellement, cette cérémonie où il n’avait que trois ans (1494) est vraiment restée gravée dans sa mémoire. Ce fut sa première apparition publique, et il fut alors le centre de l’attention. Nous savons qu’Henri n’a jamais oublié cette cérémonie malgré son très jeune âge car, bien des années plus tard, il est revenu sur ce manuscrit et y a ajouté de sa propre main des détails et raturé une phrase. Henri, qui grandissait dans l’ombre de son frère et de son père avait eu là, un moment, où tous les regards étaient posés sur lui. Ce document mentionne les détails de la procession jusqu’au Grand Hall de Westminster après que son père l’ait adoubé, ainsi que la manière dont il était vêtu et couronné. Il a modifié les titres pour bien mettre en évidence la différence entre le Lord Trésorier d’Angleterre, John, Lord Dynham et le Trésorier de la Maison du Roi, Sir Thomas Lovell qui était tous les deux présents lors de cette cérémonie. Il précisa aussi qu’en plus de sa robe et de sa couronne, il portait dans les mains un petit sceptre en or.

Henri était vraiment petit à cette date. Se souvenir de ces détails depuis l’âge de trois ans signifiait bien que ce jour avait été très important pour lui.

British Library

L’écriture d’Henri VIII et de sa mère. Le jeune Henri a donc grandi à Eltham palace avec sa mère, ses sœurs et sa grand-mère. Sa mère Elizabeth a joué un grand rôle dans son éducation y compris dans son apprentissage de la lecture et de l’écriture. Des archives nous présentent des textes écrits par Henri et des lettres bizarrement formées ; par exemple, ses H ont une boucle en arrière et ses R ressemblent à des Z. Nous avons un écrit de la reine Elizabeth d’York qui présentent les mêmes caractéristiques : photo 2 : « Thys Boke ys myne Elizabeth the kyune, daughter  » – ce livre est le mien, Elizabeth la Reine, fille du roi « . (Il faut rajouter plus tard fille du roi Edouard IV). Elizabeth fut le premier professeur de ses enfants, avant que John Skelton, un poète émérite, ne le devienne.

John Skelton

Après Elizabeth d’York, John Skelton fut le premier précepteur et professeur du jeune Henri. Skelton fit ses études à l’université d’Oxford. Il était un poète et un littéraire émérite. Nous savons qu’il était un proche de Margaret Beaufort, la grand-mère paternelle d’Henri. Il fut également le poète officiel de la Cour d’Henri VII. Là, il écrivit des poèmes, des chansons, des pièces de théâtre dont peu ont survécu. Il écrivit spécialement pour Henri, le traité « Speculum Principis » – « Le Miroir des Princes », daté de 1501, depuis le palais d’Eltham où résidait le jeune Henri, une adaptation d’une version latine de la Bibliothèque historique de Diodorus Siculus. Skelton offrait là à Henri des conseils concernant les vertus qu’un prince devait avoir. C’était un traité d’éthique, de marche à suivre et de préceptes moreaux destinés aux chefs d’Etat de l’époque. Il est fort probable qu’Henri ait eu à apprendre par cœur ces textes et à les réciter à son précepteur. Le traité mentionne qu’il faut éviter la gloutonnerie (Henri était peut-être déjà un « gros mangeur » depuis l’enfance). Il mentionne également qu’il ne faut pas être cruel (Henri avait-il vraiment appris cela ?), honorer les médecins, consulter les philosophes, etc. Skelton, par sa position de promiscuité avec des monarques, avait expérimenté la fragilité et le risque de la position royale. Henri ne devait pas oublier que la ruine et l’exil étaient aussi possible comme ce le fut pour son père Henri Tudor ou d’autres ancêtres.

ERASME

John Skelton ne fut pas le seul enseignant pour Henri VIII. Sur le continent, la Renaissance était en plein essor grâce à des hommes comme Erasme. Ce dernier pensait qu’un prince devait être plus que pieux et chevaleresque et qu’il devait aussi être un intellectuel. En 1499, Erasme vint en Angleterre rendre visite à son ami Thomas More. Les deux hommes ont rencontré le jeune Henri au palais d’Eltham ; Henri avait huit ans. A cette occasion, Thomas More offrit quelques vers en latin. Erasme, qui n’était pas au courant de l’étiquette en Angleterre, n’avait rien préparé de spécial et je jeune Henri le mit au défi de lui écrire un éloge* de l’Angleterre et de la nouvelle dynastie Tudor. Erasme travailla à son texte en latin pendant trois jours. Ce fut le début d’une belle relation qui s’établit entre l’universitaire et le prince. Cette lettre fut donc adressée « au plus illustre Prince, le duc Henri ». Erasme avait alors trente ans. L’un de ses premiers élèves anglais avait été William Blount, lord Mountjoy. C’est lui l’avait invité en Angleterre. Mountjoy était un proche du jeune Henri.

Erasmus et Thomas More rendent visite aux enfants d’Henri VII à Greenwich

Explore-parliamente.net – Palais de Westminster Londres

La peinture a été réalisée par Frank Cadogen Cowper. On aperçoit en arrière-plan Margaret Beaufort, la pieuse mère du roi Henri VII. Le roi se trouve sur la droite, ses enfants à gauche. Arthur, Prince de Galles, n’était pas présent sur ce tableau car il était déjà au château de Ludlow en 1499 pour y apprendre son métier de roi. Thomas More est à genoux et Erasme, bien reconnaissable également, à côté du roi.

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Sandra Di Giusto, Guide Conférencière, Auteure et Médiatrice du Patrimoine.

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